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Daniel Herrera-Araujo et Lise Rochaix*

Cet article a été initialement publié dans l’édition de septembre 2020 des 5 articles…en 5 minutes.

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Tous les êtres humains sont confrontés à un large éventail de risques sanitaires et potentiellement mortels. Cependant, ils n’attachent pas la même valeur à la richesse, à la santé et à la vie. Il semblerait logique qu’en vue de diminuer ces risques, les individus effectuent des évaluations se fondant sur leurs spécificités propres. En d’autres termes, pour une réduction similaire de ces risques, les gains ainsi obtenus seront valorisés différemment selon qu’il s’agit de jeunes/en bonne santé ou de personnes plus âgées/malades. Ainsi, le consentement à payer (CAP) pour une réduction (minime) du risque de mortalité, à savoir la Valeur de la Vie Statistique (VVS), peut dépendre du contexte dans lequel elle est évaluée par les personnes interrogées. La théorie fait apparaître que la VVS peut varier positivement ou négativement en fonction de l’âge et de l’état de santé. Toutefois, la relation entre la VVS, l’âge et l’état de santé demeure une question d’ordre empirique.

Dans cet article, Daniel Herrera-Araujo et Lise Rochaix examinent cette relation en rassemblant un ensemble de données sur les risques de mortalité dans différents secteurs d’activité en France et les données de l’étude épistémologique « Constances » qui regroupe les antécédents médicaux et professionnels individuels d’un échantillon démographique, en particulier des hommes, ouvriers, âgés de 20 à 59 ans. En utilisant les changements d’emploi de ces individus au cours de leur carrière professionnelle, les auteurs identifient le CAP d’un individu pour une réduction minime du risque de mortalité. Dans un deuxième temps, afin d’identifier les effets de l’âge et de l’état de santé sur la VVS, les auteurs exploitent les variations de l’âge et de l’état de santé des individus au moment où ils décident de changer d’emploi (comportant différents risques professionnels spécifiques). Les résultats suggèrent que l’estimation moyenne de la VVS est proche de 6,5 millions d’euros (valeur de 2015), ce qui est comparable aux estimations effectuées aux États-Unis. De plus, les résultats montrent que la VVS diminue en cas de meilleur état de santé et selon l’âge.

La VVS est une statistique clé utilisée pour mesurer les bienfaits des politiques publiques réduisant le risque de mortalité. La valeur officielle de la VVS utilisée aujourd’hui par l’administration française (3,2 millions d’euros en 2015) est inférieure à ce que suggèrent les résultats des auteurs et ne varie pas en fonction de l’état de santé ou de l’âge.PNG - 26.4 ko

L’estimation de la VVS en fonction du contexte pour dresser un bilan des politiques publiques a toutefois fait polémique. Le retrait hâtif de la décision controversée prise par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) d’utiliser une VVS ajustée en fonction de l’âge dans le cadre de son initiative « Clear Skies » en 2003 en est un bon exemple. Ces résultats laissent entendre qu’il convient d’ouvrir le débat, non seulement quant au niveau estimé de la VVS par les organismes publics en France, mais plus généralement quant à la légitimité des politiques visant à différencier les estimations de VVS selon l’âge ou l’état de santé. Des recherches supplémentaires sont requises afin d’inclure d’autres sous-groupes pour obtenir une VVS représentative de la population française dans son ensemble.

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Références

Titre original de l’article : Does the Value per Statistical Life vary with age or baseline health ? Evidence from a compensating wage study in France

Publié dans : Journal of Environmental Economics and Management

Disponible via : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0095069620300619


* Chercheur PSE

Crédits visuel : Shutterstock, IR Stone