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Vincent Berthet, Camille Dorin, Jean-Christophe Vergnaud, Vincent de Gardelle*

Cet article a été initialement publié dans l’édition d’octobre 2020 des 5 articles…en 5 minutes.

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Comprendre les préférences individuelles en matière de redistribution est un sujet d’intérêt majeur pour les chercheurs en économie et en sciences politiques. Deux facteurs principaux orientent ces préférences : l’intérêt personnel d’une part et l’équité d’autre part. De manière évidente, l’intérêt économique pousse les individus riches à avoir tendance à préférer moins de redistribution et les individus pauvres à avoir tendance à préférer plus de redistribution. Par ailleurs, le niveau de redistribution choisi dans une société reflète aussi les croyances quant aux causes des inégalités de richesse : si l’on considère que ces inégalités sont liées au hasard ou à des facteurs que les individus ne contrôlent pas, alors la redistribution semble plus juste que si ces inégalités sont considérées comme étant liées à l’effort ou aux choix faits par chacun-e par exemple. Mais sur ce point, il est également connu que ces croyances sur le poids du hasard et/ou de l’effort dans la construction des inégalités dépendent elles-mêmes de la position des individus sur l’échelle des inégalités ! Ainsi, en 2016, une étude en économie expérimentale a montré que lorsqu’on indique à des participants qu’ils ont bien réussi une tâche, ils attribuent leur succès à leurs efforts plutôt qu’à la chance, et optent pour moins de redistribution des richesses obtenues dans cette tâche… Mais cette volatilité des croyances et des choix de redistribution face à l’expérience de succès ou d’échec est-elle la même pour tous ?

Dans cette étude, Vincent Berthet, Camille Dorin, Jean-Christophe Vergnaud et Vincent de Gardelle ont répliqué le travail précédent tout en mesurant les opinions politiques des participants. L’expérience s’est déroulée entre les deux tours de l’élection présidentielle française de 2017, permettant de recueillir le vote et les opinions politiques des participants. L’échantillon testé était composé majoritairement d’électeurs de gauche. Les participants effectuaient d’abord une tâche cognitive informatisée dont la difficulté était établie de manière aléatoire. Ils apprenaient alors leur niveau de performance par rapport aux autres (« sur-performants » vs. « sous-performants »), qui était en fait le résultat de la manipulation aléatoire de la difficulté. Enfin, il leur était demandé de redistribuer de l’argent entre deux sujets fictifs, un riche et un pauvre. Les résultats ont révélé tout d’abord que les électeurs d’E. Macron redistribuent moins que les électeurs de B. Hamon, qui eux-mêmes redistribuent moins que les électeurs de J-L. Mélenchon, conformément à ce que l’on pouvait envisager en lien avec le positionnement politique des candidats. De manière plus surprenante, les données ont montré également que l’effet du statut sur la redistribution (à savoir, les « sur-performants » redistribuent moins que les « sous-performants ») n’était présent que parmi les électeurs de J-L. Mélenchon. En d’autres termes, les électeurs de J-L. Mélenchon semblent plus sensibles à l’annonce de leur succès ou de leur échec dans la tâche. Cela suggère que les différents groupes politiques au sein de la gauche traitent différemment l’information qu’ils reçoivent, et sont plus ou moins volatils dans leurs croyances et dans leurs choix de redistribution. Dans le contexte social et politique actuel, il apparaît crucial de mieux comprendre ces différences, en particulier si certains groupes sociaux sont plus susceptibles d’être influencés que d’autres.

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Références

Titre original de l’article : How does symbolic success affect redistribution in left-wing voters ? A focus on the 2017 French presidential election

Publié dans : PLoS ONE, 2020

Disponible via : https://doi.org/10.1371/journal.pone.0229096


* Chercheur PSE

Crédits visuel : Shutterstock – Hyejin Kang