Bénédicte Apouey*, Cahit Guven et Claudia Senik*
Cet article a été initialement publié dans l’édition de novembre 2020 des 5 articles…en 5 minutes.
La retraite a-t-elle un effet bénéfique sur la santé ? Cette interrogation est particulièrement importante dans un contexte où de nombreux pays ont récemment mis en œuvre des réformes de leur système de retraites. Les travaux académiques qui ont étudié cette question ont abouti à des conclusions quelque peu contradictoires. Pour identifier l’effet causal de la retraite, les études récentes analysent généralement l’impact sur l’état de santé des politiques d’allongement de la durée du travail et de report de l’âge légal de départ à la retraite. De façon surprenante, alors que la méthode utilisée est identique, les résultats obtenus sont loin d’être uniformes : certains articles identifient un effet positif de la retraite sur la santé, d’autres un impact négatif, et d’autres encore un effet ambigu suivant la façon dont l’état de santé est mesuré par exemple.
Dans cet article, Bénédicte Apouey, Cahit Guven et Claudia Senik proposent une méthode différente pour examiner le lien entre retraite et santé : au lieu d’explorer l’effet d’une réforme sur l’état de santé, ils analysent les chocs de santé, c’est-à-dire les évolutions de l’état de santé (physique et mentale) qui ne sont pas anticipées par les individus. Cette approche leur permet d’être certains que le lien de causalité va bien de la retraite vers l’évolution de la santé, et non l’inverse. Comment ces évolutions non-anticipées se modifient-elles lors du passage à la retraite ? Les auteurs exploitent les données australiennes du Household, Income, and Labour Dynamics in Australia (HILDA) entre 2001 et 2014. Leur échantillon contient 4400 femmes et 4800 hommes. Ces données, représentatives de la population de plus de 15 ans, sont longitudinales : elles permettent donc de suivre les mêmes personnes avant et après leur passage à la retraite. La particularité de cette enquête est d’interroger les personnes tous les ans non seulement sur leur état de santé actuel, mais aussi sur leurs anticipations relatives à l’évolution de leur santé. Lorsque les anticipations sont différentes de l’état de santé observé par la suite, les auteurs captent donc un choc de santé, qui peut être positif (si les anticipations sont en-deçà de la réalité observée) ou négatif (si les anticipations sont optimistes par rapport à la réalité).
Les analyses révèlent que la retraite engendre une intensification des chocs positifs de santé et un affaiblissement des chocs négatifs. Cet effet bénéfique est observé tant pour les hommes que pour les femmes et tant pour les cols blancs que pour les cols bleus. Par exemple, pour les femmes, le passage à la retraite réduit la probabilité de chocs négatifs d’environ 14% à 23% et accroît la probabilité de chocs positifs de 10% à 13%. Pour les hommes, les effets sont respectivement de 16% à 24% et de 9% à 14%. Par ailleurs, comme on pouvait s’y attendre, connaître un choc de santé positif améliore le niveau de satisfaction dans la vie des répondants. Les résultats suggèrent donc que la retraite exerce un effet bénéfique sur la santé.
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Références
Titre original de l’article : Retirement and unexpected health shocks
Publié dans : Economics & Human Biology (2019), volume 33, pages 116-123
Disponible via :
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1570677X18302776?via%3Dihub
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01670486v3
* Chercheurs PSE
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