Menu

Fabrice Etilé*, Pierre-Yves Geoffard*

Cet article a été initialement publié dans l’édition de mars 2021 des 5 articles…en 5 minutes.

PNG - 1019.1 ko

La seconde vague de l’épidémie de COVID-19 est, en France, partie des jeunes adultes à partir de la fin de l’été 2020, se diffusant ensuite aux populations plus âgées. Les facteurs ayant pu expliquer la diminution des efforts de prévention à cette période sont variés : risques santé individuels objectivement faibles, fatigue des restrictions multiples, besoin d’interactions sociales…

Dans cet article, Fabrice Etilé et Pierre-Yves Geoffard ont voulu explorer un mécanisme supplémentaire : une exposition volontaire au risque de contamination par le SARS-Cov2. Les comportements d’exposition volontaire au risque d’infection sont peu documentés, alors même qu’ils apparaissent lors de toute épidémie. En l’espèce, les médias américains ont par exemple rapporté au printemps des rumeurs de « COVID-party », au cours desquelles des jeunes se seraient rassemblés volontairement en présence d’individus contagieux, afin de chercher à être contaminés. Même si de telles pratiques ne sont pas confirmées, l’existence de ces rumeurs souligne qu’une baisse de l’effort de protection contre le risque d’infection pourrait être une stratégie individuellement rationnelle d’adaptation au contexte épidémique. L’épidémie de COVID-19 a généré une grande incertitude quant à l’avenir, en particulier pour les jeunes adultes. Les menaces sanitaires et économiques, ainsi que des préoccupations plus diffuses concernant les conséquences de la pandémie sur la société, peuvent déclencher des sentiments d’anxiété. Une riche littérature en psychologie et en économie a montré que l’anxiété peut pousser des individus à adopter des comportements réduisant l’incertitude. Contracter la COVID – un événement peu risqué pour un jeune adulte – serait une conduite adaptative en ce qu’elle permettrait finalement de réduire les incertitudes et l’anxiété du moment.

Les auteurs ont donc testé si l’anxiété était associée à une augmentation de la Volonté d’être Exposé au Risque d’Infection (VERI) par le virus causant la COVID-19 à l’aide d’un sondage en ligne administré à 3 110 personnes françaises âgées de 18 à 35 ans pendant la période du premier confinement (avril 2020). Les sujets devaient évaluer sur une échelle de 0 à 10 à quel point ils étaient prêts à prendre le risque d’être infecté par la COVID, sachant que cela pourrait leur permettre d’acquérir une immunité pendant un certain temps. Au total, 56,5 % de l’échantillon déclare une VERI positive. Le chômage est associé à une VERI plus élevée, +8,2 points de pourcentage, et il en est de même pour les revenus : en moyenne, une personne interrogée percevant 1000€ de plus qu’un autre sondé a une VERI légèrement plus élevée, +2,6 points de pourcentage. Ainsi, tant les jeunes au chômage que ceux qui connaissent un début de carrière rémunérateur expriment une motivation substantielle pour s’exposer au virus. L’anxiété liée à l’état psychologique – mesurée par l’échelle de Spielberger – est également positivement associée à la VERI, alors qu’une augmentation du risque d’hospitalisation perçu est associée à une diminution de la VERI. Dans l’ensemble, les résultats empiriques de cet article suggèrent donc que tant la perspective de pertes économiques que l’anxiété psychologique peuvent saper l’adhésion des jeunes adultes aux recommandations de distanciation physique. Les politiques publiques ciblant ces derniers devraient tenir compte à la fois de leur situation économique et de leur santé mentale, et elles devraient privilégier des stratégies de communication réduisant l’incertitude.

………………..

Références

Titre original de l’article : The sooner the better ? Anxiety Increases the Willingness to Be Exposed to Covid-19 Risk among Young Adults in France

Publié dans : PSE Working paper n°2020-80

Disponible via : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03066539/

Crédits visuel : Shutterstock Rimgaudas Budrys

* Chercheurs PSE