Luc Arrondel* et Jérôme Coffinet
Cet article a été initialement publié dans l’édition de janvier 2022 des 5 articles…en 5 minutes.
Le taux d’épargne des ménages français est un des plus élevés d’Europe, représentant environ 16% de leur revenu disponible brut. D’aucuns disent que cette épargne est toutefois mal orientée, trop concentrée sur les actifs immobiliers. Pourtant, l’épargne financière des ménages français représentant presque 6% du revenu disponible brut, reste également plus élevée que la moyenne européenne (5%). Toutes les études statistiques récentes montrent cependant que le nombre de particuliers détenant des actions a baissé d’environ 50% entre 2008 et 2016. Même si cette tendance s’est légèrement inversée en 2017, environ 7% de la population adulte française détient aujourd’hui des actions. L’année 2017 a été marquée en France par une réforme fiscale majeure visant à soutenir l’actionnariat : la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique (flat tax) et la suppression de l’impôt sur la fortune, remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). L’objectif principal de cette réforme est d’encourager l’investissement productif à long-terme. Annoncée en mai 2017, suite aux élections présidentielles et législatives, cette loi a été adoptée en octobre 2017 et mise en œuvre en janvier 2018. En parallèle à cette réforme, d’autres facteurs au cours de cette période ont probablement influé favorablement sur la décision des ménages d’acquérir des actifs risqués : d’une part, la reprise du marché boursier et les anticipations optimistes que cette reprise a provoquées ; d’autre part, le retour d’une certaine confiance chez les ménages.
Dans leur article, Luc Arrondel et Jérôme Coffinet analysent les portefeuilles risqués des ménages français à partir des deux dernières vagues (2014-2015 et 2017-2018) de l’enquête de l’INSEE « Histoire de vie et Patrimoine ». Il existe en réalité trois canaux financiers pour investir dans des actions : l’achat direct, l’acquisition via un fond commun de placement et le recours à des contrats d’assurance vie en unité de compte. Les auteurs montrent que l’achat d’actions en direct augmente fortement selon le niveau de richesse et l’âge des individus. Cette détention est aussi liée au niveau d’éducation et à la situation financière des parents. Des variables subjectives permettent également de déterminer la demande directe d’actions, que ce soit ses préférences pour l’épargne (aversion au risque, horizon de placement), ou ses anticipations sur le marché des actions (rentabilité et risque espérés, ambiguïté). La demande d’actions via l’assurance-vie relève de déterminants spécifiques : on observe un effet du cycle de vie (âge et prévoyance) mais elle est moins liée aux anticipations sur le marché boursier.
Globalement, la demande d’actifs risqués dépend fortement du niveau de richesse de l’individu et de la rentabilité espérée des actions sur le marché boursier, deux facteurs qui ont été affectés par la réforme de 2017. Une analyse par double différences entre les deux vagues rend alors possible la quantification des effets de la réforme. Arrondel et Coffinet montrent que la réforme fiscale de 2017 ne semble pas avoir eu un effet sur la détention d’actions par les ménages mais a eu un impact positif sur le montant d’actions détenues. En conséquence, la part du patrimoine financier détenue directement sous forme d’actions a légèrement augmenté après la réforme. Cette augmentation peut cependant s’expliquer aussi par la forte augmentation du prix des actions entre 2014 et 2018. Ces résultats ne permettent donc pas de conclure définitivement sur le fait que ce soit la réforme fiscale qui ait eu un effet sur la demande d’actifs risqués (l’impact complet de la réforme de 2017 n’est pas totalement visible sur les données de 2017-2018) : il s’agit là d’une condition nécessaire mais non suffisante. Tous ces résultats devront donc être confirmés sur la prochaine vague de l’enquête.
Références
Titre original de l’article : Preparing for the tax reform : the risky French households’ portfolio in 2018
Publié dans : PSE working paper n°2021-49
Disponible via : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03322577/document
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* Chercheur PSE
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