Bénédicte Apouey*
Cet article a été initialement publié dans l’édition de septembre 2021 des 5 articles…en 5 minutes.
À la vision traditionnelle du vieillissement, qui met l’accent sur le déclin et l’affaiblissement des fonctions vitales, on peut être tenté d’opposer la notion de « bien vieillir ». Dans cette approche, portée sur le devant de la scène par Rowe et Kahn (1987, 1998), bien vieillir se définit à partir de trois critères cliniques et biomédicaux : l’absence de maladie et de handicap graves, le maintien d’un bon fonctionnement physique et mental et une participation active à des activités sociales et productives. Ces critères s’inscrivent dans deux dimensions, que sont la santé et les activités sociales. L’approche a fait l’objet d’un certain nombre de critiques : en particulier, l’expression « bien vieillir » sous-entend qu’il serait bon sur le plan normatif de « lutter contre le vieillissement », ce qui est discutable, et par ailleurs, le vieillissement réussi fait sans doute appel à un plus grand nombre de dimensions que les deux précédemment citées.
L’étude de Bénédicte Apouey s’inscrit dans ce cadre théorique qui insiste sur l’aspect multidimensionnel du bien-vieillir. Elle tente d’apporter un nouvel éclairage, quantitatif, sur la perception du bien-vieillir en France, dans un contexte où les sciences sociales se sont peu intéressées à ce sujet. Plus précisément, il s’agit de mettre au jour la signification que les individus donnent à la notion de bien-vieillir, en moyenne. Il s’agit aussi de souligner l’hétérogénéité des conceptions selon les caractéristiques individuelles. L’hypothèse qui sous-tend l’article est que des conditions de vie différentes entraînent des perceptions distinctes. La chercheuse analyse les conceptions de plus de 1700 adhérents d’une mutuelle santé (Harmonie Mutuelle), recueillies lors d’une enquête quantitative réalisée en 2016. Cette enquête comprend des « seniors » et de « futurs seniors », âgés de 40 à 84 ans. Pour capter la conception du bien-vieillir, les répondants ont notamment été interrogés sur les domaines de satisfaction qui importent le plus pour bien vieillir selon eux : est-ce la satisfaction dans le domaine de la santé, du logement, de l’environnement du logement, etc. ?
Les résultats montrent que les quatre composantes du bien-vieillir les plus souvent citées sont la satisfaction vis-à-vis de la santé, de la situation financière, de la vie familiale et du couple. Cela suggère que le bien-vieillir est bien multidimensionnel. Ce résultat reste vrai lorsque l’échantillon est stratifié par niveau d’éducation. D’autres points communs apparaissent entre milieux sociaux. Par exemple, « profiter de chaque moment de la vie » est considéré comme un facteur important du bien-vieillir quel que soit le milieu social.
La position sociale est un facteur de différenciation dans les conceptions du bien-vieillir. En effet, définir le bien-vieillir par la satisfaction vis-à-vis de la santé, de la vie de couple, de la vie sociale et des activités sociales est plus fréquent lorsque la position sociale est plus élevée. A l’inverse, concevoir le bien-vieillir comme satisfaction vis-à-vis du logement ou de l’environnement du logement est significativement plus courant lorsque la position sociale est plus faible. Ce point pourrait s’expliquer par des conditions d’habitat plus souvent dégradées et par le « choix du nécessaire », dans les classes plus populaires.
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Références
Titre original de l’article : Inégalités socio-économiques et conceptions subjectives du bien-vieillir. Résultats d’une enquête quantitative
Publié dans : Retraite et société, 2020/2 (N° 84), 13-40
Disponible via : https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe-2020-2-page-13.htm
* Chercheur PSE